A première vue, cela peut sembler une bonne idée :
Une entreprise n’est pas leader sur son marché par hasard.
Le benchmarking, tant prôné, peut laisser penser qu’il y a à prendre chez qui réussit ”“ ce qui est certainement vrai . Dans cette optique, recruter une personne ayant œuvré chez le leader de son marché pourrait Être une façon de « récupérer » un peu de ces bonnes pratiques qu’il suffirait donc ensuite d’appliquer chez soi.
Erreur ! Je l’ai appris à mes dépens
Quand, croyant bien faire, j’ai recruté des managers ayant œuvré au sein de l’entreprise leader du marché.
J’ai vite fait marche arrière !
Car le résultat de l’expérience s’est révélé triplement désastreux :
- Les nouveaux recrutés, en termes de performance, n’obtenaient pas de meilleurs résultats que « les nôtres », et même souvent de moindres ;
- Les collaborateurs en poste ne comprenaient pas ces recrutements et la raison pour laquelle ils n’avaient pas été promus, pourquoi la préférence était allée à des personnes extérieures qui n’apportaient pas de « plus » évident ”“ effet démotivant garanti et confiance entamée ;
- Enfin, pour achever le tableau, les nouveaux recrutés quittaient parfois assez rapidement l’entreprise, de leur fait.
Surprenant, mais logique !
Sur quoi repose la performance opérationnelle d’une entreprise ?
Certes, sur la compétence métier de ses collaborateurs ; mais aussi sur la qualité de son organisation et de ses process ; et plus encore sur sa culture, surtout si cette culture est favorable au développement de l’intelligence collective.
A titre d’illustration la méthode « Kaizen », le Lean management, tout comme ce qui fait une entreprise agile ou une entreprise dite « libérée », ne se copie pas ; plus que d’une méthode, il s’agit d’un état d’esprit. Sans compter l’impact même de la notoriété de l’entreprise qui peut influencer la manière dont les évènements seront perçus et décodés !
J’ai personnellement constaté ce poids du contexte, de manière nette, en deux occasions :
- Lorsque, issue des RH, après à peine un an de formation comme chef de département, j’ai pris la direction d’un hypermarché. Ma réussite tenait à tous ces effets « extérieurs » à ma personne : à mes collaborateurs directs bien entendu qui ont pallié à mes carences métier, mais aussi à l’organisation en place et aux processus bien rôdés au sein de l’entreprise. Il me semble évident qu’indépendante, sans tous les garde-fous d’une entreprise bien gérée, je n’aurais pu réussir sans passer par la case « apprentissage » et quelques années de galère.
- La seconde occasion m’a été donnée lorsque j’ai côtoyé des compagnons d’infortune au cours d’une formation de plusieurs mois visant à préparer de futurs consultants. Quelle n’a pas été ma surprise de voir des personnes à l’intitulé de postes incitant à la déférence se trouver totalement démunies et désorientées face à leur situation de cadre en recherche d’emploi. L’adulte sûr de sa position se retrouvait « en culottes courtes » ! Preuve qu’il tenait sa position de l’organisation, des règles du jeu de la dite organisation, et de son statut, beaucoup plus que de ses propres forces.
De l’intérêt d’adopter une approche plus systémique
En réalité le « copier/coller » des « meilleures pratiques » ne se suffit pas à lui-même. Il peut même se révéler contre-productif car toute « meilleure pratique » repose aussi sur le contexte. C”est le résultat d’un mix subtil entre des process, des outils, tout un écosystème de compétences, des conditions de travail et un certain état d’esprit lié à la culture de l’entreprise.
Et à supposer que l’on parvienne à bien mettre à jour et caractériser tous ces éléments, il restera toujours un besoin d’adaptation locale, allant de la sélection À l’intégration des éléments retenus à ses propres caractéristiques, À concocter son propre « mix ». Tout comme une greffe ne peut prendre que lorsque certaines conditions requises sont remplies.
Rester lucide sur les causes du succès
Forte de ces constats, la « bonne question », de mon point de vue, n’est pas de se demander « quelles sont les meilleures pratiques ? », mais de s’interroger sur « POURQUOI telle ou telle pratique a été source de performance ? »
L’attitude » juste » est probablement de renoncer à la quÊte de « la bonne pratique- remède miracle » pour privilégier le questionnement sur ce qui constitue une « bonne pratique », en adoptant une attitude empreinte d’humilité, une posture d’apprentissage pour, surtout, construire sur ses propres acquis.
Sans oublier la part de chance qui a sa place dans toute réussite !